J’ai rencontré Thomas Gibson au printemps 2016 : nous étions tous les deux membres d’une expédition pour observer Sarracenia sur la côte sud-est des Etats-Unis.
Dans quelles circonstances êtes-vous entrés en contact avec les plantes carnivores pour la première fois ?
J’avais à peu près onze ans quand le naturaliste de la réserve des Ridges [dans le Wisconsin aux Etats-Unis] m’a montré une rosette de Drosera rotundifolia dans une fondrière de la forêt boréale, et qu’il m’a raconté toute l’histoire sur la façon dont elles capturent des insectes. Après il m’a montré Sarracenia purpurea, car elle pousse abondamment dans la réserve. Plus tard j’ai lu un article de Paul Zahl sur la Dionée dans National Geographic et j’en ai acquis une pour la cultiver moi-même.
Qu’est-ce que vous trouvez de plus fascinant à propos des plantes carnivores ?
Il est difficile pour moi d’isoler une caractéristique particulière tellement tout me fascine chez elles.
Quelle est votre expérience la plus mémorable avec les plantes carnivores ?
Me réveiller tôt dans ma cabane de la forêt nationale de la Blackwater River, marcher vers une population dense de Sarracenia leucophylla et récolter les insectes dans chacun des pièges marqués.
Qu’avez-vous vu disparaître au cours de votre vie ?
Autrefois on trouvait des tourbières à plantes carnivores presque partout dans l’écosystème du pin à longue feuille des plaines de l’arrière-pays. Roland Harper a vu nombre de tourbières disparaître, puis Edgar T. Wherry, puis Fred Case et George Folkerts, et enfin après eux j’ai été le témoin de la perte de nombreux, si ce n’est de la totalité de mes propres sites. La communauté a presque entièrement disparu aujourd’hui. Le projet de greenway au nord-ouest de la Floride me donne beaucoup d’espoir.
Comment votre travail est-il lié aux plantes carnivores ?
Je suis écologue et biologiste de l’évolution. J’étais intéressé par la théorie de la biogéographie insulaire, comme les tourbières du Sud-Est [des Etats-Unis] l’illustrent – elles sont vraiment insulaires par nature. J’ai publié des articles sur la biodiversité des tourbières, l’évolution de la Dionée, la compétition pour les ressources en insectes, la morphologie adaptative des pièges, et j’en ai d’autres en réserve sur l’importance des ressources en insectes sur la dynamique des populations chez la Dionée, l’évolution des mécanismes d’isolement au sein du genre Sarracenia, et j’effectue en ce moment des recherches sur un cycle taxonomique chez Sarracenia. J’ai aussi à cœur de protéger ce précieux groupe de plantes : j’ai contribué à ce que plusieurs espèces de Sarracenia soient ajoutées à la liste des espèces en danger, et à ce que des tourbières soient prises en charge et restaurées. Je vais bientôt lancer un site Internet avec Son Waller et Yari Johnson pour aborder tous les aspects de la préservation des tourbières du Sud-Est.
Le message de Thomas
Les plantes carnivores dans la nature sont beaucoup plus impressionnantes que celles cultivées en pot ou dans une tourbière artificielle. La nature est le seul endroit où les plantes peuvent s’épanouir et continuer à évoluer. Dans une serre ou dans une tourbière créée par la main de l’homme, les pressions de la sélection artificielle modifient la nature des plantes, elles développent des maladies et meurent. Le seul lieu sûr pour une plante carnivore, c’est une tourbière naturelle. Mon vœu pour une néophyte serait qu’elle commence par se préoccuper de la conservation, et agisse pour la préservation du groupe des plantes carnivores dans la nature. Il y a tellement de choses à entreprendre, y compris la restauration à partir de stocks cultivés, comme dans le programme de l’Atlantic Botanic Garden. Je lui souhaite aussi de cultiver autant de plantes qu’elle en a envie pour son propre plaisir, du moment qu’elles sont bien issues de culture.